Interview publiée par CourrierCAB le 13 janvier 2017.
En quoi les collectivités locales sont-elles concernées par le « Bigdata » ?
Le « Bigdata » est une combinaison de plusieurs choses : un volume important de données disponibles, des capacités de stockage, et des moyens de traitement, des algorithmes, puissants. Inventés par Google, Facebook, Amazon et consorts, les processus d’analyse des données massives irriguent aujourd’hui de très nombreux secteurs d’activité. Ils permettent d’aller plus vite et plus loin dans la compréhension de nombreux phénomènes. Le « Bigdata » bouleverse ainsi de vastes champs de la recherche. Il débouche, par des algorithmes de plus en plus efficaces, sur la construction de modèles prédictifs de plus en plus fiables. Pour des phénomènes naturels, pensons aux progrès considérables de la météorologie. Mais aussi pour des comportements humains, pensons en particulier à nos comportements de consommateurs, disséqués, analysés, recoupés et maintenant anticipés par les grandes enseignes du net.
Pour nos collectivités locales, comme pour tous les acteurs publics, la question est simple : dès lors que des données massives nouvelles sont disponibles, que des moyens de stockage et des algorithmes existent, que des acteurs nouveaux apparaissent pour les utiliser, doit-on en laisser l’usage à la sphère marchande ou doit-on s’en saisir pour augmenter la performance de l’action publique ? Par exemple pour « cibler » la mise en œuvre de politiques publiques ?
Où trouver ces données et comment les intégrer dans le pilotage de la collectivité ?
Il y a trois sources principales de données pour une collectivité. D’abord les données internes, avec parfois un paradoxe : des collectivités rendent massivement publiques des données par l’opendata, sans pour autant les exploiter pour elles-mêmes. Ensuite, ce que j’appelle le « Bigdata du territoire », c’est-à-dire toutes ces données d’intérêt général qui qualifient le territoire et son évolution, parfois avec un grand niveau de détail. On pense en premier lieu à ces données socio-économiques et socio-démographiques rendues accessibles, en Opendata, à une échelle très fine par l’INSEE. Cette évolution est récente et très largement méconnue. Et bien sûr il y a toutes les données qui concernent la population et les usagers du service public local.
Leur intégration dans le pilotage de la collectivité doit être progressive et se faire au niveau des professionnels directement en charge des politiques concernées. La gestion de la donnée ne doit pas devenir une affaire de spécialistes.
Comment rassurer les citoyens sur l’usage de ces données ?
Dans un contexte de collecte « sauvage » de données personnelles, notamment par Google et les réseaux sociaux, mais aussi par bien d’autres acteurs privés, les collectivités locales ont un rôle positif à jouer. Vis-à-vis des habitants, elles peuvent apparaître comme un tiers de confiance. Elles peuvent construire des règles et les partager ; et faire labelliser leur démarche par la CNIL. Les collectivités sont les garantes d’un usage pour le bien commun des données d’intérêt général d’un territoire, données personnelles comprises.
Propos recueillis par Jérôme Vallette