Ouest France – Édition de Nantes du mercredi 16 novembre 2016. Propos recueillis par Édith GESLIN.
Jacques Priol Fondateur de Civiteo.
Le big data, qu’est-ce que c’est ?
C’est un traitement très rapide de données massives et très variées. Depuis cinq, six ans, on peut les analyser grâce à l’augmentation phénoménale des capacités de stockage et des puissances de calcul mises à disposition. Les grandes entreprises commerciales du web ont inventé le big data : Google, Apple, Facebook et Amazon. En France, on peut citer la Fnac.
À quoi ça sert ?
À comprendre le monde et comment fonctionnent les comportements humains pour en faire un modèle prédictif. Un sondage extrapole la réponse à partir de l’échantillon. Avec le big data, c’est l’inverse : on change de focale, on passe à un grandangle et on observe. Amazon dispose d’une masse d’informations de ses clients et essaye de repérer des comportements qui se ressemblent. Autre exemple : en Afrique, chercheurs et médecins ont travaillé sur les données géographiques pour pouvoir anticiper la propagation de l’épidémie de fièvre Ebola .
Les champs d’analyse sont immenses ?
Le volume total de données stockées dans le monde double tous les deux ans. Il y a un mouvement général de libération de la part des institutions publiques et des grands groupes, l’ open data . Tous les objets connectés, de type bracelet par exemple, que de plus en plus de personnes portent, en captent une masse importante.
Pour les élections, les données sont-elles aussi fiables que les sondages ?
En France, on est au tout début de l’utilisation du big data en matière électorale. Aujourd’hui, les analyses de comportement des électeurs n’ont pas la prétention de se substituer aux sondages, mais ce sont des outils complémentaires. Ce qui change, c’est l’application qu’on peut en faire pour mobiliser des partisans, permettre un meilleur ciblage des campagnes électorales… À droite comme gauche, on va utiliser ces outils pour la prochaine élection présidentielle.
Quels usages pour les collectivités ?
On ne peut laisser cette matière sans contrôle aux mains des acteurs privés à des fins commerciales. Il est légitime que les acteurs publics s’en saisissent pour améliorer le service public : les systèmes de circulation ; les politiques de prévention en santé ; allouer des fonds publics de façon plus ciblée.. Le big data peut permettre d’anticiper les ressources humaines, techniques, financières pour une gestion plus efficace et plus économe.
Le stockage des données est un élément important ?
Il y a un enjeu majeur à multiplier les lieux de stockage locaux, pour des raisons énergétiques, économiques – ça coûte moins cher que de les envoyer à l’autre bout du monde – et de souveraineté. Les données stockées en France sont régies par les lois françaises.
Quel contrôle de ces données personnelles ?
En France, la Cnil (Commission nationale informatique et liberté) insiste sur le fait que l’usage doit être conforme à notre consentement. Il va falloir développer des garde-fous collectifs. Civiteo plaide pour que les acteurs publics locaux puissent être les garants d’une utilisation éthique, notamment à travers la mise en place d’outils comme le « coffre-fort numérique individuel ». Il y a un mouvement autour de ça, le safe data .