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CiviteoNon classéInterview – retour sur le projet Google à Toronto

Interview – retour sur le projet Google à Toronto

Publié le 15 mai 20202 juillet 2020 par Jacques Priol

Une interview de Jacques Priol par Laura Fernandez-Rodriguez parue le 15 mai 2020 dans La Gazette des communes après l’annonce de l’abandon du projet Sidewalk Labs à Toronto.

Quel a été votre lien avec le projet entrepris par Google pour aménager un quartier de Toronto ?

En tant qu’expert de la gestion des données publiques notamment dans le cadre des smart city, j’ai participé à un certain nombre d’étapes du projet, et notamment des temps de consultation et de concertation, de façon bénévole. Google m’a sollicité pour tester certains aspects du projet en France, et notamment un dispositif conçu pour le projet de Toronto, et destiné à informer les citoyens sur l’utilisation de leurs données. J’ai refusé leur proposition, et j’ai ensuite été approché par l’entreprise Open North, travaillant avec la ville de Toronto pour aider la ville à définir sa propre doctrine en matière de gestion des données personnelles, de sorte à ce qu’elle puisse l’imposer à tous les opérateurs sur son territoire, y compris à Google sur ce quartier de Quay Side. Je publie enfin le livre « Ne laissez pas Google gérer nos villes », aux éditions de l’Aube, qui paraîtra prochainement hors commerce du fait de la situation actuelle.

Quelle est votre analyse des raisons véritables qui ont conduit Google à abandonner ce projet ?

Il faut savoir lire entre les lignes et aller au-delà du motif officiel. Dans ce communiqué, Sidewalk Labs indique que les conditions économiques n’étaient pas réunies pour pouvoir rentabiliser le projet sur 5 hectares ; sachant que leur proposition sur 77 hectares avait été refusée par Waterfront Toronto, l’autorité locale chargée de se prononcer sur le projet. Leur modèle n’aurait sûrement pas été viable sur 5 hectares… même sans la crise. Google avait déjà dépensé 50 millions de dollars dans la conception de ce projet de quartier intelligent en deux ans de travail ! La question des données personnelles est aussi très importante : elle a fait polémique du début à la fin du projet, malgré le cadre très contraignant imposé à Google. La population n’a pas confiance en Google pour gérer des données personnelles, et on voit mal comment ils auraient pu résoudre ce problème. Donc peut-être que le projet aurait pu être validé par Waterfront Toronto en juin prochain, mais à des conditions tellement contraignantes que Google n’y aurait pas trouvé son compte. De ce point de vue, la crise provoquée par le Coronavirus leur offrait le prétexte de partir.

Qu’aurait-il fallu pour que Google y trouve son compte ?

Que le prototype sorte de terre et devienne une vitrine mondiale. Que prenne vie leur modèle de gestion et de gouvernance des données, pensé pour être duplicable dans toutes les cultures. Ils espéraient un prototype à l’échelle 1, et pouvoir le déployer partout dans le monde. Il faut quand même souligner qu’il s’agissait d’un vrai projet urbain, avec des immeubles révolutionnaires dans leur conception, un système de distribution de l’énergie très sophistiqué, tout comme le traitement des déchets, de multiples capteurs IoT… Bout à bout, tout cela formait un concentré d’innovations technologiques, de conception, d’architecture absolument bluffant. Peu d’acteurs sont capables de dépenser 50 millions de dollars pour faire un état de l’art et même plus à l’échelle 1 !

Pour autant, vous avez pris parti et vous estimez que ce n’est pas Google qui doit gérer les villes ?

C’est vrai ; j’aurais adoré voir ce quartier fonctionner en vrai, mais j’aurais détesté y habiter ! J’estime, tout comme une partie des opposants au projet, que ce n’est pas le métier d’un géant du numérique de gérer de grandes fonctions urbaines. Imaginer un quartier, son fonctionnement, les transports, les déchets, ce sont des métiers au temps long. Tandis que Google invente un modèle et le colle quelque part : ils n’ont pas cette notion dans leur culture d’entreprise.

Quels sont les risques inhérents à une telle approche ?

Grâce à leur force de calcul et l’utilisation des données, ils imaginent pouvoir construire à partir de rien un système qui défende l’intérêt général. Or, l’intérêt général doit être décidé par les citoyens, notamment via la politique et les élections ; ce n’est pas à un opérateur privé, aussi brillant soit-il, d’imposer un modèle. C’est donc un problème démocratique. De plus, faire confiance à l’IA et les data pour connaître les comportements humains, les modéliser et même les optimiser ne concourt pas à l’intérêt général. C’est l’exemple de Waze ; faire gagner quelques minutes à des automobilistes individuellement n’engendre pas un gain collectif, il n’y a qu’à voir certaines zones pavillonnaires ou de sorties d’écoles d’un seul coup envahies de voitures. Ou bien, aux Etats-Unis, les études sur Uber et Lyft qui montrent qu’en réalité, en satisfaisant à des demandes individuelles, ces opérateurs ont engorgé la circulation et généré une pollution supplémentaire. Quoi qu’ils en disent, ces géants du numérique, lorsqu’ils investissent, traitent nos comportements d’habitants et de citoyens comme des comportements de consommateurs.

Quel retour d’expérience les collectivités désireuses de se lancer dans ce type de projets peuvent en tirer depuis la France ?

C’est l’un des aspects que j’aborde dans mon livre : il faut être honnête, aucun projet de smart city ailleurs dans le monde et a fortiori en France n’a autant réfléchi à la protection et aux conditions d’utilisation des données que celui-ci. Parce que c’était Google, citoyens, militants, institutions et collectivités ont souhaité mettre des garanties extraordinairement fortes avec des dispositifs sophistiqués n’existant nulle part en France. Nous sommes en retard sur ces civic data trust, cette construction de cadres de confiance et sur l’implication citoyenne dans la gouvernance des villes intelligentes. Nous sommes en train de construire des villes intelligentes qui, si l’on n’y prend pas garde, seront de moins en moins démocratiques. Google avait l’ambition de créer un modèle de ville qu’il aurait pu imposer dans le monde entier ; je crois qu’il faut inventer un contre-modèle, réfléchi au niveau international.


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