Extrait des actes de la 16ème journée d’études de l’observatoire de la SMACL publiés dans la Semaine juridique du 22 janvier 2018.
Entretien animé par M. Bruno LEPRAT.
Que pouvez-vous nous dire sur l’actualité législative et sur l’accompagnement proposé aujourd’hui aux collectivités qui découvrent l’opendata ?
M. Jacques PRIOL : « en matière d’opendata, il convient de ne pas faire de promesses qui seraient impossibles à tenir. En outre, il n’existe pas de « monde idéal » de l’opendata. Aujourd’hui, nous avons la chance de bénéficier du retour d’expérience des pionniers qui se sont engagés les premiers dans ce genre de démarches. Par exemple, la création de richesse par le biais de l’opendata ne s’est pas avérée aussi importante qu’on l’imaginait. Il n’empêche que ces données créent aujourd’hui des mouvements. De nouveaux services publics voient le jour.
Il ne faut pas non plus croire que l’opendata, par la transparence qu’il induit, va déclencher immédiatement une révolution démocratique. Nous constatons en effet que certains jeux de données, qui ont pourtant demandé un énorme travail aux collectivités concernées, sont peu ou pas réutilisés.
De plus, je voudrais rétablir un certain nombre de vérités à la suite de certains propos qui ont été tenus ce matin et qui m’ont choqué. La question de la protection des données personnelles dans l’opendata représente un problème sérieux qui sera traité en temps voulu. Reste qu’il ne faut pas opposer opendata et protection des données personnelles. La question de la protection des données se pose sur certains jeux de données et c’est à ce niveau qu’elle doit être traitée, comme l’a très bien rappelé la CNIL.
(…) Certains ont tendance à voir du bigdata et des algorithmes là où ils ne se trouvent pas : ce n’est pas parce que l’on utilise un tableau Excel sophistiqué que l’on a recours à des algorithmes. Les dispositions de la loi relatives à la transparence des algorithmes ne portent pas sur ce type de sujets. De plus, l’idée selon laquelle l’administration devrait ouvrir l’ensemble de ses codes sources n’est pas vraie, car elle laisserait penser que tout ce qui a trait à la donnée devient un sujet très sensible.
On ne peut pas non plus opposer bigdata et opendata, car le bigdata est une approche globale qui utilise de nombreuses données, ouvertes ou non, à des fins de modèles prédictifs ou analytiques. La loi Numérique introduit une autre notion fondamentale : celle de données d’intérêt général, qui peuvent être publiques comme privées ».
Que dites-vous aux élus lorsque vous expliquez l’utilité des juristes dans le processus ?
M. Jacques PRIOL : « d’une part, nous devons rappeler la dimension obligatoire de l’opendata par défaut. D’autre part, nous ne pouvons pas nous lancer dans cette démarche n’importe comment. Nous devons trouver les solutions nécessaires pour éviter les difficultés. Néanmoins, je n’ai pas connaissance de collectivités locales qui se seraient engagées spontanément dans une approche d’opendata et qui auraient rencontré des problèmes liés à des ouvertures involontaires de données personnelles. Il faut tout simplement appliquer les méthodes de travail et les précautions générales qui existaient avant même l’opendata.
Par ailleurs, la loi ne prévoit pas ici de sanctions. Pour autant, je pense que tout le monde va progressivement intégrer la démarche d’opendata. Cette démarche de transparence alimente en effet un processus démocratique. D’ailleurs, pour éviter de se voir montrer du doigt, les quelques grandes collectivités qui n’avaient pas encore ouvert leurs données se dépêchent de le faire avant la date-butoir».