Article paru dans le journal Ouest France du 21 décembre 2017
Faut-il autoriser les collectivités à rendre publiques nos données ? C’est la question que pose Civiteo. Le gérant de cette jeune société nantaise en a couché les enjeux dans un livre.
Si l’application Waze est connue comme GPS auprès de sept millions d’automobilistes, on sait moins qu’elle dispose du signalement des accidents en moyenne 4 minutes 30 avant les secours. Une information d’intérêt général précieuse. L’exemple de ce GPS communautaire est cité par Jacques Priol, gérant de la société Civiteo, pour mettre en évidence l’enjeu des données collectées par les acteurs publics et privés.
Pionnière, l’entreprise que cet ancien cadre des collectivités territoriales a créée à Nantes, il y a un peu plus d’un an, a fait de la place de la donnée dans la décision publique son cœur de métier. Civiteo conseille élus, entreprises de service public ou autres… « pour développer une approche garantissant la protection des données ». Dans le livre qu’il vient de publier, Le big data des territoires, Jacques Priol plaide pour une stratégie au service de l’intérêt général, « qui optimise l’action publique en respectant droits et libertés ».
Pourquoi s’intéresser au sujet ? Quelle est la valeur de ces données dont on dit qu’elles sont le « nouveau pétrole de l’économie » ? Elles sont partout avec la multiplication des objets connectés : téléphone mobile, internet, messagerie, réseaux sociaux, capteurs… Les géants du web, Google, Apple, Facebook, Amazon… les utilisent déjà à des fins commerciales. « Leur accumulation permet aux algorithmes d’Amazon de prédire le comportement des consommateurs », rappelle Jacques Priol.
La gestion des données des habitants et usagers des services publics, fournies pour l’état-civil, les listes électorales, les inscriptions aux services de transport, de petite enfance, de vie scolaire… est un sujet sensible. « À l’heure du big data [données massives] et de ses algorithmes, collecte et traitement constituent un enjeu majeur », assure le Nantais.
Entre intérêt général et vie privée
Le livre paraît alors que le sujet sera sous les feux de l’actualité en 2018. En mai, tous les acteurs publics seront soumis à de nouvelles règles européennes de protection des données personnelles. « Une harmonisation par le haut »,estime Jacques Priol. Et d’ici fin 2018, la loi pour une République numérique va imposer à toutes les collectivités de plus de 3 500 habitants d’ouvrir leurs données [l’open data].
Dans l’Hexagone, 180 collectivités s’y sont déjà engagées. Des villes sont en pointe. Jacques Priol énumère Paris, Grand Lyon, Rennes, Nantes, La Rochelle, Mulhouse, Dijon… « Je dis aux collectivités qu’aujourd’hui Google sait plus de choses que vous sur les habitants. La question de la souveraineté de la donnée d’intérêt général est posée ; ne pas s’en saisir serait une erreur car d’autres le font. »
Édith GESLIN.
Le big data des territoires, éditions FYP, 223 pages, 22 €.