Une libre opinion publiée par la Gazette des Communes le 9 juillet 2018.
Le mois de mai est passé. La folie médiatique du RGPD (merci Mark Zuckerberg et Facebook !) est derrière nous. Reste aux acteurs locaux le plus dur à faire : mettre pas à pas la gestion publique des données des habitants et des usagers en conformité avec le nouveau cadre européen, exigeant et ô combien nécessaire, de la protection des données personnelles.
Mais attention, octobre arrive. Et avec lui le deuxième « enjeu data » de l’année : l’obligation faite aux collectivités de plus de 3500 habitants (et 50 agents ETP) d’ouvrir leurs données au nom du principe de l’open data par défaut. Un nouvel emballement est à prévoir. La liste des bons élèves est connue : 250 collectivités locales n’ont pas attendu la loi pour une République numérique pour ouvrir leurs données au public et à de multiples réutilisateurs (associations, start up, entreprises ou encore journalistes). Passé octobre prochain, elles seront plus de 4000 à devoir le faire, ou à devoir justifier de ne pas l’avoir entrepris.
En aura-t-on alors fini avec cette passion soudaine des acteurs publics pour la donnée ? Assisterons-nous à la fin d’une mode passagère ? Certainement pas. Du moins il faut l’espérer.
Ébranlée de longue date par les abus des géants du web, la confiance des consommateurs dans l’utilisation mercantile de leurs données personnelles par de nombreuses entreprises s’est probablement disloquée sur les scandales récents. Qu’en sera-t-il de la confiance des citoyens et des usagers dans l’utilisation de la donnée par leurs services publics ? Sera-t-il possible, demain, de mieux gérer des territoires grâce aux données dans un contexte où tout devient suspect ? Comment éviter qu’une gestion plus efficiente, mieux adaptée aux besoins des habitants et des usagers, ne repose sur des outils qui nuisent à nos libertés ? Voilà le vrai sujet des années à venir.
Aujourd’hui en France quelques territoires expérimentent de nouvelles manières de faire. Rennes a posé la première pierre d’un service public local de la donnée. Dijon ambitionne de construire une ville à la fois transparente et monitorée. Nantes veut bâtir une stratégie de la donnée pour son territoire. Des régions, des départements en font autant. Mais trop de collectivités vont limiter leur action, faute de moyens et faute de compréhension des enjeux de la « data des territoires » à de modestes (et parfois difficiles) mises en conformité au droit.
Car derrière ces deux idées simples qu’il faut protéger les données personnelles des habitants et que les données publiques doivent être transparentes pour plus d’usages et mieux de démocratie, il y a bien d’autres enjeux. Et ils sont capitaux. Il y a le sujet de la souveraineté publique sur des données d’intérêt général, celui du stockage, en France, des données publiques, ou celui de la marchandisation des data publiques de la ville intelligente. Il y a aussi des enjeux démocratiques et politiques : celui du contrôle citoyen des usages publics de la donnée, celui de la transparence des algorithmes ou encore celui d’une participation citoyenne éclairée par l’accès à la donnée.
Si 2018 doit être l’année des prises de conscience du fait de la loi, tant mieux. Mais vivement 2019, que l’on s’attaque aux vrais enjeux et à l’élaboration de stratégies publiques territoriales de la donnée.
Jacques Priol, Président de CIVITEO auteur de Le big data des territoires : les nouvelles stratégies de la donnée au service de l’intérêt général (FYP Editions, novembre 2017, 22 euros)