Une interview de Jacques Priol publiée par Le Moniteur le 22 juin 2018.
Bigdata, smartcity, intelligence artificielle… en quoi ces sujets concernent aujourd’hui la gestion urbaine et les territoires ?
De tous temps la gestion urbaine a mobilisé des données : données des habitants, données géographiques, données de l’habitat… La planification urbaine, la politique de la Ville ou les opérations de promotion reposent sur des études et des analyses produites par des agences publiques ou des bureaux d’étude. Mais de nouveaux outils, des algorithmes et des modèles prédictifs par exemple, imaginés par des géants du web, sont aujourd’hui accessibles. Et ces outils s’avèrent utiles à d’autres fins que commerciales !
La collecte de données massives à partir des smartphones, de compteurs intelligents, de capteurs et d’objets connectés rendent de nombreux usages possibles. Elles servent à améliorer la gestion de l’énergie (éclairage public, bâtiments communaux…), la gestion de l’eau (le cycle de la distribution mais aussi le cycle naturel) ou encore le trafic automobile.
Ces innovations induisent des ruptures dans les modes de gestion des villes. Comment les acteurs publics doivent-ils faire face à ces changements ?
Ils doivent d’abord le faire avec détermination pour ne pas laisser quelques acteurs isolés prendre le contrôle de données qui sont d’intérêt général et structurer seuls les nouveaux usages urbains : Uber pour le transport partagé et demain les véhicules autonomes, AirBnb pour les locations touristiques, Google pour la mobilité.
Les acteurs publics et leurs délégataires, doivent pour autant agir avec retenue et mesure. Tout n’est pas permis avec les données des habitants et des usagers de la Ville.
Vous dénoncez justement des dérives possibles, quelles sont-elles ?
Il y a d’abord l’enjeu de la protection des données personnelles. Pour les acteurs des « villes intelligentes » le sujet n’est pas uniquement de se mettre en conformité avec la nouvelle règlementation, il faut construire et garder la confiance des citoyens.
Il y a un deuxième enjeu : éviter que la smartcity se limite aux dispositifs d’optimisation des flux, sinon cette ville que l’on veut intelligente et inclusive sera surtout technique et automatique.
Existe-t-il en France un modèle de ville intelligente qui fait référence ?
Il y a une mode « smartcity » mais concrètement seule une vingtaine de territoires expérimente des modèles prédictifs et le big data. Plusieurs voies sont explorées. Rennes organise un service public métropolitain de la donnée. Dijon ou Nice créent une future ville monitorée. Nantes construit une stratégie de la donnée pour son territoire. L’Occitanie annonce un « Datapole » régional. Tous espèrent des retombées positives pour leur territoire en termes de vie quotidienne et de qualité du service public mais aussi des retombées économiques rapides.
Propos recueillis par Jean-Philippe Defawe